Une informatique vertueuse pour l’administration

Depuis plusieurs années, le service informatique de l’état acquiert des forces de travail par le biais de la location de ressources. En clair il loue des informaticiens.
Cette méthode présente quelques avantages parmi lesquels je retiens la flexibilité dans la gestion des ressources et la capacité d’acquérir temporairement des compétences pointues.

Cependant, il en résulte un surcoût dont le parlement pointe régulièrement les excès.
A mon avis, d’autres inconvénients sont plus gênants: les fournisseurs de ressources garantissent une compétence mais en aucun cas un résultat. En d’autres termes, plus un projet dérive dans le temps, plus le fournisseur louera longtemps ses ressources avec profit, ce qui constitue une forme de prime à la malfaçon.
Pour ne rien arranger, l’objectif naturel du fournisseur est d’optimiser sa marge, donc de recruter des ressources sur les marchés au coût le plus bas quitte à négliger les ressources locales. Le paradoxe n’est pas des moindres car la Suisse dispose des meilleures écoles et n’exploite pas ses propres talents. J’ajoute que je n’ai jamais observé de politique RH volontariste pour recruter des diplômés dans nos écoles.

Le parlement émet régulièrement le souhait d’internaliser ces ressources. A mon avis, dans un secteur aussi dynamique la proposition ne constitue de loin pas la panacée.

Je propose une alternative qui porte sur la gouvernance dans la réalisation des projets et passe par une redéfinition des rôles et responsabilités des acteurs.

Sur le principe, il s’agit d’externaliser les projets de développement d’applications à des sociétés locales. L’objectif est de partager les responsabilités et que les acteurs s’engagent sur un résultat.
La définition du projet est fixée par un cahier des charges élaboré par le service des méthodes. Ce dernier se porte garant que le projet fasse sens, dans une organisation adaptée et qu’il soit réaliste dans un périmètre défini.

Pour sa part, le fournisseur assume le développement pendant tout le cycle de vie du produit.
Il prend la responsabilité du produit dont il a la charge, il évalue les coûts et réalise le projet de façon forfaitaire dans le cadre convenu. Ainsi, un projet qui dérive ne permet plus une augmentation mécanique et déresponsabilisée des dépenses comme c’est le cas avec la location de ressources.

Le fournisseur assume la maintenance corrective pendant la durée du cycle de vie du produit et ce, pour un montant qui sera contractuellement fixé.
Il sera également en charge de la maintenance évolutive à des tarifs qui seront convenus d’avance.

L’état acquiert un droit complet et exclusif sur le code et le logiciel, cependant limité au territoire du canton.
A l’extérieur du canton, l’état et le fournisseur sont copropriétaires du logiciel de telle sorte que le fournisseur puisse commercialiser le produit et développer un marché dans un domaine pour lequel il devient spécialiste.

En cas de désaccord entre l’Etat et le fournisseur, le contrat peut être rompu. L’état récupère le logiciel et est libre du mode de fonctionnement qu’il souhaite appliquer pour la maintenance corrective et évolutive.
Au demeurant, le fournisseur initial conserve la propriété du logiciel à l’extérieur du canton. Ce droit est intransmissible, il permet de conserver ses relations commerciales avec des clients actuels ou futurs.

L’intention est de de favoriser l’émergence d’une industrie logicielle spécialisée dans le secteur des administrations en créant les conditions cadres propices à la mutualisation des investissements futurs.

Si la masse devient suffisante, le secteur pourrait générer à terme des rétrocessions et des emplois sur le canton sans augmentation des investissements de la part de l’Etat.

Ainsi le fournisseur ne pourra plus se contenter de louer des ressources spécialisées, il devra développer des compétences et une expérience dans la mise en œuvre globale pour le développement de solutions.
L’amélioration de la qualité devient un objectif vital car mal construire coute cher en entretien.
Cette augmentation de la valeur initie une démarche vertueuse qui, si elle trouve un marché, serait profitable pour tous.

La proposition s’apparente à faire de la promotion pour une industrie innovante sans aucune augmentation des investissements. C’est un partenariat public-privé appliqué au secteur informatique.

© Pascal Rulfi, octobre 2014

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